Texte aux facultés et à Rancière Final
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Texte aux facultés et à Rancière Final
Université Toulouse II – Le Mirail
ÉTAT DES LIEUX APRÈS SIX SEMAINES DE LUTTE
(le 21/12/2007)
ÉTAT DES LIEUX APRÈS SIX SEMAINES DE LUTTE
(le 21/12/2007)
Le mouvement dans lequel de nombreuses Facultés de France se sont engagées, il y a maintenant six semaines dans un refus de la loi LRU, a permis de révéler certains changements, dérives au sein des facultés et plus largement la progression inquiétante d’une doxa commune dans les esprits à la fois de certains enseignants et de nombreux étudiants.
Loin de tenir un discours du type « rien de nouveau sous le soleil », nous souhaiterions au contraire attirer l’attention sur certains faits qui nous semblent assez nouveaux et qu’il nous faut certainement prendre en compte pour envisager les prochaines phases et étapes de la lutte que nous menons.
Le mouvement actuel est la manifestation d’une crise dont la profondeur peut, entre autres symptômes, se mesurer aux “dérives”, violences ou excès qu’elle a générés d’un bord et de l’autre. Sous la forme de dégradations de bâtiments ou de matériel, de provocations gratuites et extrêmes ou de violences verbales ou physique, une exaspération insupportable et partagée n’a cessé de croître sur le mode du cercle vicieux, dont chacun rend “l’autre” responsable. Il nous revient d’en interpréter le sens pour mieux comprendre les racines du mal qui atteint l’université, et non dans le but de forger ou d’entretenir les images véhiculées par l’opinion courante le plus souvent ignorante des faits et nourrie par la malveillance de ceux qui y ont intérêt. Ces images ne sont bonnes ni pour les uns, ni pour les autres, nuisent à l’université en son entier et servent le pouvoir en place. Par exemple, l’idée que tout “bloqueur” est un “casseur”, réel ou potentiel, que tout étudiant qui s’engage dans la lutte est un “fumiste” qui n’attend que les grèves pour se la couler douce en attendant une validation minimale des examens, avec, en face, des étudiants “sérieux”, eux, qui veulent travailler (plus pour gagner plus…), mener à bien leurs études, etc. Comme si l’engagement pour des idées, contre une loi mal faite, n’était que l’expression déguisée d’une “paresse” inavouée, et comme si le refus de suivre le mouvement n’était que le signe d’un “sérieux” qui rejette tout ce qui le détourne de la fin visée, l’acquisition d’un diplôme. Or, n’est-il pas tout aussi légitime de se battre pour une université digne de ce nom (c’est-à-dire, améliorée, rénovée, réformée, en refusant tout autant un statu quo qu’une loi LRU qui contient les germes de dangers pires que la situation actuelle), quitte à en entraver le fonctionnement de manière temporaire, et de vouloir poursuivre des études jusqu’à leur terme ? Qu’il y ait des positions extrêmes des deux côtés est un fait. Cela ne doit pas empêcher de penser que l’on peut en même temps s’engager et vouloir mener efficacement et sérieusement des études. Et que c’est justement parce qu’on veut des études de qualité, que l’on s’engage pour qu’elles soient telles. Il est très regrettable que le qualificatif de “politisé” ait été accolé au mouvement pour signifier qu’il était “idéologique”, “manipulé”, etc., comme si les opposants au mouvement étaient “purs”, “apolitiques”, alors que leur opposition peut évidemment être “idéologique” et “politique”, quand elle n’est pas le simple reflet d’un égoïsme ou d’une passivité contestables, eux-mêmes symptômes d’une crise ou d’un désespoir méconnus.
Il est temps de redonner au politique un sens et une valeur dignes de la démocratie qui le soutient.
Cependant l’observation de violences lors de ces dernières semaines envers les étudiants grévistes, de la part d’étudiants non-grévistes et de certains professeurs, soulève la question suivante : comment expliquer le retour d'une certaine violence des « forces de l'ordre» dont font désormais partie et les étudiants de l'UNI et autres, et certains professeurs ? Les forces de l'ordre en effet excèdent désormais largement les effectifs de police proprement dits, même si dans certaines Facultés (exemple : Arsenal, Toulouse) l’installation de vigiles reste le mode simple, pur et dur de contrôle des « agités ».
Est-il possible qu'il faille encore expliquer à ces fervents défenseurs de l’enseignement « coûte que coûte », que la mise en place de piquets n'est pas une fin, voire une volonté de la part d’une minorité de saper le semestre en cours ?
Loin de vouloir « mettre à terre un semestre », les piquets de grèves ont donc pour vocation de percer l'abcès nourri depuis plusieurs années au sein de la Faculté, percer un abcès de non-communication, un abcès où enseignants et étudiants sont claquemurés dans leur discipline, puis dans leur spécialité au sein de chaque discipline. Les piquets de grèves sont un effet de la déliquescence en cours de l’université, pas sa cause : il est trop facile de reporter la responsabilité d’une image ternie de la Faculté sur ceux qui justement condamnent les réformes qui produisent ce résultat. Ces piquets, lorsqu’ils sont votés, viennent à l’appui d’une tentative d’ouvrir à la polémique, salutaire au discours et à la pensée politique, et pour rappeler que la désaffection de l’enseignement public supérieur au profit d’une concurrence privée, là encore, n’est pas due à un blocage de l’université, mais à toutes ces réformes qui ne font qu’accentuer les problèmes qui sévissent depuis des années.
Le retour à l’ordre consensuel n’est rien d’autre que le retour dans un cadre qui exclut par principe tout lieu où pourrait émerger une polémique, tous lieux politiques et démocratiques en relation avec notre réalité, et ceci pour des raisons diverses (contrairement à ce que certains universitaires et syndiqués affirment dans la droite ligne de la politique gouvernementale, le « dialogue » ne retrouve pas ses droits à la condition que la grève cesse, etc).
Où l’on voit un peu plus clairement comment l’initiative collective de lutte en est arrivée à être parfois écrasée par la violence de l'ordre démocratico-consensuel.
Ainsi, et malgré une harmonieuse omerta médiatique qui tente de scléroser un mouvement d'indignation et de revendication raisonné, nous invitons à une massification de l'engagement et à une réflexion concertée sur les moyens adéquats dont nous disposons pour relancer le mouvement de contestation. Cette sédition pour une nécessaire restructuration de l'enseignement universitaire, nous refusons de la limiter aux seuls intérêts estudiantins et c'est pourquoi nous appelons énergiquement à l'engagement spontané des enseignants et à leur participation physique à ce mouvement légitime.
Des étudiants et enseignants de l’université Toulouse II – le Mirail
aux autres Facultés.
aux autres Facultés.
gabriel- Utilisateurs
- Messages : 36
Date d'inscription : 08/12/2007
Lettre d'invitation à Rancière
Voilà une suggestion de lettre d'intation à Rancière, qui serait accompagnée du texte ci-dessus, postez vos avis ou corrections.
gabriel
Des étudiants et enseignants de l’Université
Toulouse II – le Mirail le 24 décembre 2007
À Jacques Rancière.
gabriel
Des étudiants et enseignants de l’Université
Toulouse II – le Mirail le 24 décembre 2007
À Jacques Rancière.
M. Jacques Rancière,
Comme en témoigne le texte-bilan que nous vous joignons (et que nous adressons également à toutes les facultés de France en lutte contre la loi LRU), nous sommes à une étape à la fois délicate et décisive du mouvement. Retrouvera-t-il toute sa vigueur dès la rentrée de janvier à l’appui de nouvelles actions et réflexions, ou non ?
Nous voudrions tout faire pour que cette révolte et son expression politique ne s’éteignent pas si vite dans l’impasse.
Durant les six semaines passées à nourrir ce combat il fut souvent question, tant chez les « sympathisants » que chez les opposants virulents, de la légitimité démocratique du mouvement. Qui représentons-nous ? Au nom de qui parlons-nous ? Quelles procédures dans la lutte attestent d’un fonctionnement démocratique ? Au nom de quoi, de qui, contestons-nous ce qui s’énonce comme « démocratie » dans la bouche de nos actuels gouvernants ?
Des discussions passionnantes et passionnées ont ainsi eu lieu, dans lesquelles quelques-uns d’entre-nous ont parfois fait chaleureusement référence à votre pensée, à l’un de vos derniers livres notamment : La haine de la démocratie.
Aussi ces quelques-uns ont-ils eu l’idée, parmi les nouveaux rendez-vous à inventer dès janvier, de vous inviter à poursuivre avec nous tous, sur une après-midi ou une soirée, la teneur d’un débat ancré au sein de notre lutte, autour des questions du devenir de l’université bien sûr, mais non moins de ce que « démocratie » veut dire dans la lutte politique, dans l’invention actuelle de formes d’énonciation et de gestes qui la rendent visible : nous sommes conscients de la difficulté que vous releviez déjà dans un de vos livres, liée au fait que c’est trop souvent aujourd’hui le pouvoir qui semble avoir l’initiative du combat.
Votre travail de pensée nous a été d’un grand soutien. Nous vous prions de croire que votre venue susciterait appétit et curiosité chez nombre d’étudiants et enseignants actifs. Ce serait donc un honneur et une joie de pouvoir nous entretenir publiquement avec vous, en votre qualité d’enseignant et de philosophe, de la façon dont nous percevons, singulièrement, le présent et l’avenir que nous avons en partage.
Les modalités de cette rencontre seraient à réfléchir avec vous, de même que celles de votre déplacement et de votre séjour. Il nous faudrait convenir d’une date.
Dans l’espoir que vous choisirez de répondre par oui à notre invitation, veuillez agréer, Monsieur Rancière, l’expression de nos sentiments les meilleurs,
Des étudiants et enseignants de l’université de Toulouse II – le Mirail
Contact :
Comme en témoigne le texte-bilan que nous vous joignons (et que nous adressons également à toutes les facultés de France en lutte contre la loi LRU), nous sommes à une étape à la fois délicate et décisive du mouvement. Retrouvera-t-il toute sa vigueur dès la rentrée de janvier à l’appui de nouvelles actions et réflexions, ou non ?
Nous voudrions tout faire pour que cette révolte et son expression politique ne s’éteignent pas si vite dans l’impasse.
Durant les six semaines passées à nourrir ce combat il fut souvent question, tant chez les « sympathisants » que chez les opposants virulents, de la légitimité démocratique du mouvement. Qui représentons-nous ? Au nom de qui parlons-nous ? Quelles procédures dans la lutte attestent d’un fonctionnement démocratique ? Au nom de quoi, de qui, contestons-nous ce qui s’énonce comme « démocratie » dans la bouche de nos actuels gouvernants ?
Des discussions passionnantes et passionnées ont ainsi eu lieu, dans lesquelles quelques-uns d’entre-nous ont parfois fait chaleureusement référence à votre pensée, à l’un de vos derniers livres notamment : La haine de la démocratie.
Aussi ces quelques-uns ont-ils eu l’idée, parmi les nouveaux rendez-vous à inventer dès janvier, de vous inviter à poursuivre avec nous tous, sur une après-midi ou une soirée, la teneur d’un débat ancré au sein de notre lutte, autour des questions du devenir de l’université bien sûr, mais non moins de ce que « démocratie » veut dire dans la lutte politique, dans l’invention actuelle de formes d’énonciation et de gestes qui la rendent visible : nous sommes conscients de la difficulté que vous releviez déjà dans un de vos livres, liée au fait que c’est trop souvent aujourd’hui le pouvoir qui semble avoir l’initiative du combat.
Votre travail de pensée nous a été d’un grand soutien. Nous vous prions de croire que votre venue susciterait appétit et curiosité chez nombre d’étudiants et enseignants actifs. Ce serait donc un honneur et une joie de pouvoir nous entretenir publiquement avec vous, en votre qualité d’enseignant et de philosophe, de la façon dont nous percevons, singulièrement, le présent et l’avenir que nous avons en partage.
Les modalités de cette rencontre seraient à réfléchir avec vous, de même que celles de votre déplacement et de votre séjour. Il nous faudrait convenir d’une date.
Dans l’espoir que vous choisirez de répondre par oui à notre invitation, veuillez agréer, Monsieur Rancière, l’expression de nos sentiments les meilleurs,
Des étudiants et enseignants de l’université de Toulouse II – le Mirail
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gabriel- Utilisateurs
- Messages : 36
Date d'inscription : 08/12/2007
Re: Texte aux facultés et à Rancière Final
bonne année.
moi, c'est juste l'expression "nourrir ce combat" qui m'interpelle car il m'a évoqué en première lecture l'expression du combat comme d'une fin en soi, comme si on disait "entretenir la révolte"
evidemment, "combattre" n'irait surement pas non-plus, mais peut-etre:
"durant six semaines passées dans la marche du mouvement" ou simplement:
"depuis six semaines que dure ce mouvement"
moi, c'est juste l'expression "nourrir ce combat" qui m'interpelle car il m'a évoqué en première lecture l'expression du combat comme d'une fin en soi, comme si on disait "entretenir la révolte"
evidemment, "combattre" n'irait surement pas non-plus, mais peut-etre:
"durant six semaines passées dans la marche du mouvement" ou simplement:
"depuis six semaines que dure ce mouvement"
corentin- Admin
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Date d'inscription : 09/12/2007
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